Travail de nuit

Dix heures le soir

la terre n’est plus qu’un Monopoly

 

De onze heures à minuit

le temps se vêt d’une sorte d’humeur décontractée

l’heure est soudainement devenue jaune, et elle étincelle

le noir ne peut plus lui résister

 

Entre minuit et une heure, la vie est rouge

mais c’est imperceptible, personne ne le voit

rien ne brille plus, la vie n’est qu’un rougeoiement qui se souvient

 

Entre une heure et deux heures

il se passe des choses, mais aucun dormeur ne s’éveille

ce ne sont même pas des choses

ça se passe dans un mouvoiement imperceptible

d’un vert très mystérieux

 

Entre deux et trois heures

tout est bleu

 

Trois heures déjà, quatre heures bientôt…

dégustation des heures creuses

rien encore à murmurer, pas même une absence

le silence est transparent, il lutte contre rien, dans toute sa splendeur

 

Entre quatre et cinq

le diaphane plonge lentement dans le blanc soyeux

le bruit du silence se mesure au silence du bruit

 

Entre cinq et six

l’existence est fragile, fraîche, d’un rose timide

elle a bizarrement peur de sa douceur

elle va s’éteindre sans doute, elle ne pourra jamais continuer à vivre

 

Six heures passées

tout bouge, le Temps lui-même, habillé en violet vif, a un goût de revenez-y

 

Sept heures

personne n’a faim…

tout se résume à des pavés gris et des jouets jaunes

 

Dominique Féniès