A propos du pastoralisme nomade

André BOURGEOT

Bulletin n°7 – Lien

L’usage courant met sous les mots des significations diverses qui peuvent amener à des incompréhensions, notamment en ce qui concerne le nomadisme. La clarification des notions nécessaire pour établir une typologie met en évidence qu’à des modes d’habitat et de subsistance correspondent des représentations et des relations sociales spécifiques. C’est ce qui nous importe ici.
 
La typologie est simplificatrice : ce ne sont que des repères que je veux présenter et non des modèles. Elaborer une typologie revient à décrire la diversité de situations en la représentant sous forme de catégories ou de types. La typologie simplifie la réalité en la réduisant à quelques principaux types qui peuvent être décrits à partir de ses éléments invariants et de ses éléments variables
 

LE NOMADISME

 – Approche empirique

 
Au vu des sociétés numériquement dominantes, la pensée et l’expression triviales (non scientifique) en opposition à la « sédentarité », le nomadisme désigne quelque chose qui bouge, qui se déplace, qui est en mouvement, par opposition à ce qui est fixe.
 
 
• Des organisations sociales mobiles dont les itinéraires définissent un espace exploité
 
Le mouvement, quel qu’en soit l’amplitude et les moyens utilisés pour le mettre en oeuvre (animaux, flottilles, marches à pieds, moyens motorisés, traction animale), se traduit dans notre jargon, par mobilité. Celle-ci incorpore une « manière de vivre » réalisée par des individus, des groupes, des sociétés, mues par des organisations sociales régies par des rapports sociaux (inégalitaires, relativement égalitaires, des relations de parenté -consanguinité et alliance-) et des relations de voisinage, relations toutes animées par des croyances qui organisent, de près ou de loin, la composition des groupes de déplacements; leurs itinéraires qui définissent un espace exploité.
 
Les manières de vivre associées à des modes d’habitat adéquats, très différentes des sociétés « non mobiles », c’est-à-dire fixes ou sédentaires, ne peuvent assurer ces manières de vivre qu’à travers des activités productrices spécifiques qui s’exercent sur des objets particuliers à l’aide de moyens appropriés. En conséquence, ces manières de vivre constatées par l’observation empirique reflètent des manières, des modes de produire particuliers fondés sur les moyens spécifiques nécessaires à la mise en oeuvre de ces manières de vivre différentes des sociétés où la fixité est déterminante.
 
Quels sont les moyens utilisés pour assurer la subsistance visant à maintenir des modes de vie mobiles relevant de l’observation empirique?
 
–         Moyens des activités de chasse (instruments : filet, arcs, lances, javelots, pièges, etc.) utilisés pour prélever, entre autres, sa nourriture sur la faune sauvage ce qui oblige à des déplacements à pieds. Ces activités cynégétiques peuvent être dominantes ou secondaires; elles se combinent nécessairement à d’autres activités (cueillette par exemple). Le mode d’organisation sociale en est la bande et les sociétés qui les mettent en oeuvre sont les chasseurs-collecteurs ou chasseurs-cueilleurs tels que les Pygmées d’Afrique centrale qui évoluent dans des écosystèmes généralisés ou les Ogiek du Kénya.
 
–          Moyens des activités de pêche (instruments : barques, filets, hameçons) visant à prélever sa nourriture sur les ressources aquatiques. L’organisation sociale qui incarne ces activités marines en est la flottille qui concernent les sociétés de pêcheurs-nomades. je pense ici aux Imraguen de Mauritanie et aux Moken d’Asie du sud-est et à un degré moindre aux Bozo du Mali et certains groupes sénégalais qui entretiennent toutes des relations avec les sociétés voisines de sédentaires.
L’instrument de déplacements en est la barque.
 
–          Moyens des activités d’élevage («  instrument » : l’animal domestiqué, quel qu’il soit (petits ruminants, gros bétail), organisé en troupeaux issus de la faune domestique par l’intervention de l’homme et sous la surveillance ou le gardiennage de bergers et de chiens le cas échéant. L’animal a donné, à tort, le terme éleveur, sans distinction, générant ainsi un terme générique réduit au seuls mammifères. Les déplacements s’effectuent en troupeaux et l’organisation sociale concerne des groupes de nomadisation structurés autour de la parenté et/ou le voisinage.
Les sociétés concernées sont les pasteurs nomades, les agropasteurs, les agro éleveurs, les transhumants, les agro transhumants. L’objet de transformation étant l’utilisation de la ou des ressources que recèlent la nature.
 
–     Moyens des activités de colportage. La particularité de ces activités réside dans le fait que leur substance n’est pas prélevée directement sur la nature, mais à travers des techniques de colportage organisées en métier et dont les instruments de déplacement sont fortement conditionnés par l’évolution de la technologie (roulotte, camping-car, camionnettes) introduisant une dimension historique permanente.
La mise en oeuvre de ces techniques est assurée par le voyage organisé (sans mauvais jeu de mots) par des groupes sociaux fondés sur la parenté proche ou lointaine et/ou le voisinage illustrés par ce qui est communément appelé les « gens du voyage » (Tziganes, Gitans, Manouches, Bohémiens).
 
Dans ces quatre cas, l’objet de travail et de transformation de la nature par l’homme, n’est pas la terre, d’une part et de l’autre ce ne sont pas des outils qui sont utilisés pour la transformer ou simplement l’utiliser.
 
En effet :
–  Le pasteur utilise la et les ressources que recèle la nature par l’intermédiaire de l’animal.
–  Le chasseur-collecteur prélève sur la faune sauvage à l’aide d’outils qui s’exercent sur la faune sauvage produite par la nature mais pas par la terre
–  Le pêcheur prélève sur la mer
–  Le « voyageur » utilise des technologies qui transforment la matière mais pas la terre. Ses activités dominantes relèvent du colportage.
 
Ainsi, on constate que dans ces quatre cas, la ressource et l’objet de transformation n’est jamais la terre.
 
Dans ces quatre cas, la relation de l’homme à la nature que l’on ne peut assimiler à la terre, est fortement mais pas exclusivement, médiatisée par :
–  l’animal domestiqué
–  la faune sauvage
–  la mer
– la matière
 
En conséquence, une première observation empirique autorise à définir le nomadisme comme étant un mode de vie mobile assuré par des groupes sociaux organisés qui entretiennent avec la nature des relations organiquement médiatisées par des moyens particuliers qui induisent des activités spécifiques adaptées à l’exploitation des ressources que recèle la nature.
 
Le nomadisme est aussi une manière de produire qui vise à des formes particulières d’utilisation de la nature à l’aide de moyens irréductibles à l’outil.
 
Ces moyens sont :
–  La faune domestique : c’est l’animal qui utilise la nature, la ressource, sous la conduite partielle de l’homme. Cette faune domestique, pour ce qui nous concerne, va du renne au mouton. Elle est l’intermédiaire qui permet d’accéder, de s’approprier la ressource (végétale et minérale) par la consommation.
–  La faune sauvage : (c’est un appendice de la nature. Elle consiste à établir une relation particulière à la ressource animale et la relation de l’homme à la nature s’exerce ici par un prélèvement sur la faune sauvage : l’homme est tributaire de celle-ci.
 
Faune domestique ou faune sauvage, dans les deux cas, c’est l’animal qui est l’objet d’intervention et dans les deux cas l’animal établit une relation à la ressource.
 
–  La faune aquatiqe : il en va de même que dans le cas de la faune sauvage. Il y a prélèvement
–  La matière : c’est là un cas particulier qui pose problème dans la typologie du nomadisme que je propose car le recours à la technologie incorpore l’outil. Intégrer les « gens du voyage » dans la typologie du nomadisme peut se faire sur les critères de la mobilité mais s’insère mal dans les critères que j’ai voulu retenir pour définir le nomadisme.
 
 
• Des sociétés qui définissent des territoires sociaux à l’intérieur de territoires naturels
 
Par delà cette restriction et ce problème réel, dans les quatre cas présentés, les activités quelles soient cynégétiques, pastorales, piscicoles ou de colportage, sont assurées par des sociétés qui définissent des territoires sociaux à l’intérieur de territoires naturels.
 
–         Les chasseurs-collecteurs définissent des « territoires de chasse » à l’intérieur de territoires occupés par des faunes sauvages dont chacune d’entre elle les défend. Le territoire de chasse est circonscrit par l’occupation d’une faune sauvage particulière qui elle même protège et défend son territoire au sens « politique » du terme, à l’encontre d’autres faunes sauvages compétitrices et prédatrices.
Le chasseur-collecteur ne fait que détecter la présence de cette faune sauvage pour la suivre et décider du moment propice à son intervention, ce qui fait intervenir ses connaissances et ses savoir-faire.
 
–       Les pasteurs nomades définissent des « terrains de parcours » composés de pâturages à l’intérieur d’espaces qui recèlent des ressources végétales et minérales naturelles. Ces terrains de parcours concernent un espace pastoral composé de ressources naturelles nécessaires à la consommation annuelle de ces ressources visant à la reproduction des écosystèmes pastoraux.
 
Le « nomadisme » recouvre donc un mode de vie qui nécessite des déplacements et donc de la mobilité pour se reproduire et ce réalisé à l’aide de moyens médiateurs qui s’exercent sur tout autre objet que la terre.
 
Le nomadisme est donc aussi une technique de production spécifique, un mode d’exploitation de la nature adapté, animé par des groupes organisés selon des rapports spécifiques à chaque société et selon des formes parentales diverses. Il définit des formes d’occupation et d’exploitation humaine de l’espace, flexibles, soucieuses de la reproduction des ressources utilisées, et conditionnées par des règles ou des usages qui induisent les conditions d’accès et d’utilisation des ressources.
 
Toute société nomade combine nécessairement des activités multiples d’une manière organique ou non (par apport extérieur). Il n’y a donc pas de nomadisme pur.
 
Le nomadisme n’est-il pas un rapport social particulier qui met en oeuvre un ensemble de relations matérielles, émotionnelles, sociales et idéelles qui sont produites par les interactions d’individus et de groupes auxquels ils appartiennent (lignage, clan, familles étendues, familles restreintes, familles conjugales, parentèle, de voisinage). Ces relations émotionnelles, idéelles constituent la part subjective des rapports sociaux relatifs aux représentations et aux valeurs qui donnent du sens par rapport aux autres et par rapport à soi même.
 
Ce rapport social particulier composé de multiples facettes en interactions concourt à construire une identité à la fois globale et multiple que l’on peut caractériser, pour le moment, comme identité nomade qui recèle des spécificités notoires (mobilité, représentation de l’espace, connaissances de ce que recèle la nature, cosmos particulier, etc.) qui s’oppose à d’autres identités non nomades et plus particulièrement à une identité sédentaire. Celle-ci fait de l’homme un être qui transforme directement la nature, en l’occurrence, la terre, et ce à l’aide d’outils.
 
Le nomadisme peut ainsi se définir comme un rapport social de nature multiple (économique, politique, religieux, culturel, parenté) car il a capacité à rassembler et à incorporer dans un tout (qui lui confère une identité spécifique supplémentaire) des groupes d’individus qui forment une société voisine connue et reconnue par d’autres comme étant commune et/ou différente. Ainsi on peut parler de « société pastorale » car la vie sociale, les croyances sont fortement conditionnées par tout ce qui gravite autour du troupeau (propriété, transmission, exploitation, circulation, reproduction sociale, etc.) qui doit se déplacer (avec les hommes) d’où la mobilité conséquente à la faible productivité des ressources fourragères et du recours unique à un stock fourrager sur pied. On constate ainsi une dépendance notoire à l’égard des ressources fourragères ce qui oblige à la mobilité et aux déplacements.
 
Ces groupes humains peuvent être organisés en clan, en lignage, flottille, caravane, bande, etc. qui leur donne une identité plus globale. Au sein du nomadisme, il y a des spécialisations (des spécificités) mises en oeuvre par des activités particulières qui s’exercent à l’aide d’objets appropriés et organisés.
 
L’ensemble de ces relations construisent et perpétuent la vie pratique sous toutes ses composantes. Un des aspects spécifiques de ce rapport social est la mobilité des hommes organisés en groupes dont la flexibilité est nécessaire à la réalisation de leurs activités, visant à leur survie et à la reproduction de ce rapport en utilisant les ressources offertes par la nature.
 
 
• Mobilité , flexibilité et dispersion
 
La mobilité est un système de déplacements dont la structure dominante repose sur des cycles induits par les conditions écologiques et climatiques. Les premières constituent le support matériel de la société. Dans des conditions normales, ce système de déplacements vise à une occupation humaine et animale rationnelle afin de préserver les conditions de reproduction des ressources naturelles, à savoir le tapis végétal, les pâturages aériens et les ressources minérales.
 
Cette « mobilité-système de déplacements » met en oeuvre un ensemble de techniques de production qu’elle incorpore et qui sont générées par le système économique. En ce sens on peut considérer la mobilité comme étant un aspect particulier des activités humaines et animales comme étant elle même une technique de production. Elle incorpore et synthétise, transforme d’autres techniques maîtrisées par le berger (tels que le gardiennage, l’utilisation du chien, des cris, connaissance du milieu. Ces techniques de production maîtrisées par le berger sont inhérentes aux comportements du troupeau domestiqué (instinct grégaire, rôle de l’animal leader, connaissance des pâturages), autant de comportements encore plus développés dans les troupeaux non domestiqués. Il va de soi que la technique ne se réduit pas à l’outil et l’on doit s’extraire d’une conception instrumentaliste, voire fétichiste de la technique.
 
Quant à la flexibilité, la tendance générale la décrit comme un phénomène d’adaptation aux fluctuations écologiques et climatiques. Cette interprétation me paraît réductrice car la flexibilité dans ce cas ne serait qu’une variante de la mobilité qui interviendrait dans des conditions de déséquilibre. Il me semble plutôt que la flexibilité s’intègre dans un système économique et social qui conditionne les mouvements d’amplitude des déplacements et la composition des unités résidentielles, des unités de nomadisation, des unités de voisinage, qui fluctuent en permanence.
 
C’est en ce sens que la flexibilité est consubstantielle de la mobilité et que « mobilité et flexibilité » constituent un couple interactif qui caractérise le nomadisme. Mobilité et flexibilité sont également des composantes du système de représentations.
 
La tactique militaire pastorale-nomade (Genghis Khan, rezzous Touaregs) est basée sur la mobilité des hommes et des troupeaux qui est elle-même consubstantielle de la dispersion. Ces deux notions – mobilité et dispersion – ne s’opposent pas. Elles ne peuvent d’ailleurs pas s’appréhender d’une manière évolutionniste, linéaire. En effet, il ne peut y avoir dispersion sans mobilité : ce sont deux techniques consubstantielles spécifiques aux sociétés nomades quelles qu’elles soient.
 
La dispersion renverrait à :
– capacités d’adaptation aux aléas climatiques
– capacités de réponse face aux épizooties animales et aux maladies humaines contagieuses
– technique de production qui permet la reproduction des ressources naturelles (spécifique à l’élevage extensif) et qui autorise à envisager la conscience d’un « seuil de reproduction » qui renvoie à la conscience de la capacité de charge du producteur primaire et visant ainsi à la préservation de la biodiversité et à la conservation des pâturages
– la faible productivité fourragère
 
Elle se traduit par :
– l’espacement de l’habitat sur un même terrain de parcours
– l’amplitude, la distance de ces espacements entre habitat sur un même espace
– une densité humaine faible.
 
 En conséquence la question est la dispersion est-elle une technique spécifique au nomadisme? Est-elle également une technique de production qui participerait du vocabulaire relatif aux activités humaines qui se nouent autour de la terre? Les techniques de jachère des terres peuvent elles être considérées comme des pratiques, des techniques de production de dispersion visant à la reproduction des terres, à maintenir leur productivité? De mon point de vue la dispersion est une pratique qui met en oeuvre une technique qui est dans ce cas la mobilité. La dispersion n’est donc pas simplement une variante de la flexibilité : c’est une pratique.
 
La mobilité relève d’une technique de production indissociable de la flexibilité alors que la dispersion est une pratique (au même titre que l’agrégation du troupeau) qui concerne la conduite du troupeau à des fins d’utilisation des ressources naturelles et de valorisation du troupeau. (Pygmées : experts de la forêt : Africa N°1 08/09/08)

 

 
 

Le pastoralisme nomade

Essai de typologie

 
 
1 – Pastoralisme et sémantique
 
Ce n’est pas donner dans le fétichisme des mots que de vouloir procéder à des clarifications d’ordre conceptuel ou notionnel. Celles-ci peuvent éviter des malentendus et des confusions qui génèrent quelquefois des incompréhensions, induisent de mauvaises interprétations ou révèlent une conception non appropriée au monde nomade.
 

Pasteurs, nomades et éleveurs

 

S’il est commode et d’usage d’opposer agriculteurs et pasteurs, (le plus souvent d’ailleurs il s’agit d’une opposition agriculteurs éleveurs ; on y reviendra) le clivage est loin d’être tranché dans les faits. La catégorie même de pasteur peut masquer des réalités bien différentes. Pour cerner cette diversité, il convient, tout d’abord d’éviter le fréquent et usuel amalgame qui se fait entre pasteurs et nomades.
 
Le pastoralisme désigne une forme de production selon laquelle l’existence matérielle et la reproduction sociale d’un groupe humain s’organisent autour de l’appropriation, de l’exploitation et de la circulation du troupeau. Le nom qui lui est associé est celui de pasteurs. Le terme pastoralisme est consubstantiel à pasteur, pâtre (et donc berger), paître, troupeau, bétail, pâture, pâtis, pâturage, pacage. En fait, il concerne les troupeaux de bétail ruminants (petits ou gros). À ce terme est immédiatement associé le nom de pasteur qui se distingue de celui d’éleveur. En effet, celui-ci n’est pas destiné à l’usage exclusif de personnes dont les activités concernent le troupeau, quelle qu’en soit la nature. Éleveur est aussi bien utilisé pour désigner quelqu’un qui élève du bétail que des poulets, des truites, des abeilles ou des chats. En conséquence, le terme pasteur est plus approprié que celui d’éleveur : il le précise et lève donc des ambiguïtés.
 
Quant à la qualification de nomadisme, il s’applique à un mode de résidence et d’occupation de l’espace fondé sur la mobilité.
 
Il en découle que la diversité des sociétés pastorales peut s’appréhender par un croisement de ces deux catégories (des pasteurs pouvant, ou non, être nomades). Par ailleurs, on se doit de tenir compte des nuances que l’on rencontre sur chacun de ses deux axes de classification.
 
Il existe bien des degrés dans la mobilité. On constate de multiples gradations depuis le « grand nomadisme » qui peut déplacer tout un lignage (ensemble de personnes issues d’un ancêtre éponyme réel ou fictif) en compagnie de ses troupeaux jusqu’à un nomadisme de petite amplitude qui voit les animaux se replier à certaines périodes de l’année sous la conduite de bergers, vers des pâturages de proximité et retourner chaque soir, en stabulation, au village. De surcroît, le degré de mobilité d’un groupe n’est jamais définitif : il est flexible et fluctue selon des variables conjoncturelles. C’est ainsi que, du point de vue de la mobilité, comme à beaucoup d’autres égards, les oppositions ne sont jamais tranchées et de multiples nuances peuvent s’exercer au sein d’un même groupe (lignage ; tribu ; groupe domestique).
 
Les nuances sont tout aussi fréquentes en ce qui concerne le pastoralisme. En effet, une population peut dépendre plus ou moins exclusivement du bétail pour sa reproduction matérielle, sociale et familiale. On soulignera que bien des populations de tradition pastorale peuvent combiner structurellement, ou d’une manière complémentaire et secondaire, le pastoralisme à d’autres activités qui occupent parfois une place non négligeable dans leur organisation culturelle ainsi que dans leur mode de vie.
 

Populations pasteurs nomades

 
Elles sont constituées d’acteurs et d’utilisateurs mobiles et flexibles, des ressources naturelles minérales et végétales par l’intermédiaire de bétail (gros et petits ruminants) organisé en troupeaux plus ou moins encadrés par des bergers accompagnés très souvent de leur chien. Ces populations évoluent sur un espace flexible. Elles véhiculent des représentations particulières de l’espace et s’inscrivent dans un temps souvent défini par des contraintes liées aux conditions d’utilisation des ressources naturelles.
En conséquence, il en ressort une certaine homogénéité qui permet de donner une certaine pertinence à la notion de population nomade. A cette définition on peut adjoindre la notion de « tradition » avec l’expression de « sociétés ou populations de traditions nomades » qui renvoie à des sociétés fondées (qui ont été nomades, donc mobiles, flexibles) mais qui se sont fixées, voire sédentarisées, mais qui conservent, expriment, défendent, des valeurs liées au nomadisme sans que celui-ci soit pour autant sublimé, mais où l’imaginaire joue un rôle non négligeable. Ces populations conservent des comportements, des modes de pensée et de perception issus du nomadisme. C’est ainsi que certaines populations sédentarisées peuvent être classées comme « populations (ou sociétés) de traditions nomades qui appartiennent aussi à la culture nomade.
 

Tout ceci implique qu’à chaque type de nomadisme correspond un type de population défini par les manières dont une société nomade utilise les ressources naturelles qui concourent à définir un mode de vie.          La définition de population nomade induit des enjeux démographiques, statistiques et en constitue de facto des enjeux sociaux et politiques.

 

Paturâges

 
Les pâturages sont composés de ressources naturelles végétales et minérales. Ils constituent des « biens communautaires » non transmissibles selon des règles juridiques; ils sont donc juridiquement inaliénables mais sont « aliénés » par la consommation intégrant les capacités de préservation-conservation de ce que recèle la nature et ce, à des fins de reproduction des ressources naturelles.
 
L’appropriation des ressources naturelles par la consommation induit des conditions sociales fondées sur la prééminence sur les ressources ce qui n’est pas la même chose que la souveraineté. Cette distinction entre prééminence et souveraineté renvoie directement aux notions d’espace et de territoire. Sur l’espace pastoral s’exerce un contrôle social garantissant à des groupes sociaux et à des troupeaux, un accès social et matériel à un ensemble de ressources naturelles nécessaires à la reproduction sociale et animale de ces groupes qui en sont les composantes.
 
En revanche le territoire, notion politique, peut être revendiqué en priorité pour soi et visant à l’appropriation d’une portion de la nature irréductible à la seule appropriation des ressources naturelles. Le passage ou la transformation d’un espace pastoral à un territoire pastoral implique « qu’un certain nombre de groupes et d’individus revendiquent consciemment de se reproduire ensemble dur un même territoire et se désignent eux-mêmes, à l’intention des groupes voisins, par un grand nom qui recouvre les noms particuliers de leurs clans et lignages de naissance »
 

Les patûrages : C‘est l’ensemble des conditions écologiques socialement appropriées par la consommation et leur transmission (sous forme de « patrimoine » inaliénable) à un ensemble d’individus organisés en lignage ce qui leur confère des droits d’usage et donc de consommation. La transmission se fait sans règles particulières : on transmet des conditions écologiques, des ressources aliénables par la consommation, elles mêmes contrôlées dans leurs modalités de consommation et ce à des fins de préservation de la ressource, c’est-à-dire de reproduction des conditions écologiques. En définitive la transmission se fait par la préservation il n’y a là aucun aspect juridique.

 
Ce souci de transmission sans règles sociales ou juridiques établies, s’apparente à un souci d’économie morale qui résulte elle-même de techniques de production pastorales. Cette appropriation sociale de la ressource aliénée par la consommation, s’inscrit donc dans une transmission morale implicite, sans règle écrite ce qui la distingue sensiblement des biens indivis et des biens à hériter lesquels sont soumis à des règles de transmission obligatoires avec obligation sociale de reproduction ou de pérennité, à des règles précises et socialement bien établies.
 
Sur les pâturages, les ressources restent liées à leurs usagers et il n’y a pas de prestation sur la ressource à l’aide d’objets appropriés et organisés.
 
• Jachères, mises en défens, repos du pâturage
 
La jachère s’exerce sur la terre considérée comme objet de transformation de la nature à travers sa non utilisation par des outils permettant son repos et donc garantissant potentiellement sa « reproductibilité ». C’est une pratique de reproduction concernant un espace domestiqué par des outils mis en oeuvre par l’homme et qui oblige à passer par des pratiques pionnières, par les techniques de défrichement nécessitant des outils afin de transformer une « nature vierge » en une « terre domestiquée » par l’homme, ou en une « terre re-domestiquée » par l’homme si la jachère s’inscrit dans des processus de rotation des terres et non de colonisation de nouvelles terres. La jachère concerne la « non exploitation » du sol par des outils animés par des hommes.
 
La « mise en défens » s’exerce sur des ressources NATURELLES et vise à la reproduction NATURELLE permettant ainsi la reproduction des espèces, leur qualité alibile, leur appêtibilité, et le maintient de la productivité des pâturages. La mise en défens est une technique naturelle qui à l’instar de la jachère oblige également à ouvrir de nouveaux pâturages visant à la « reproductibilité » des espèces assurées par la non consommation par l’animal obligeant à une « extension », à une ouverture de nouveaux pâturages d’où également le recours à des pratiques pionnières. La mise en défens concerne des espaces « non consommés » par l’animal.
 
La pratique de mise en défens relève-t-elle exclusivement des écosystèmes pâturés spécialisés qui caractérisent les écosystèmes des zones arides ou est-ce une technique de reproductibilité inhérente au pastoralisme nomade indépendamment des conditions écologiques, climatiques ? Est-elle assimilable à une sorte de « rotation des pâturages » ?
 
Jachère et mise en défens ont des pratiques communes, (pratiques pionnières de recherche de nouvelles terres et de nouveaux espaces), des finalités identiques, à savoir le repos de la terre pour les sociétés sédentaires et celui des espèces végétales pour ce qui concerne le pastoralisme nomade. Le repos du sol se réalise par sa non transformation, par sa non utilisation dans le cas de la jachère. Le repos des ressources naturelles par sa non consommation par l’animal. Le point commun étant le repos à des fins identiques de reproduction et de reproductibilité. Ce qui les différencie ce sont les moyens utilisés et le support sur lequel l’homme intervient directement ou par l’intermédiaire de l’animal.
 
Le repos, dans les deux cas oblige à des pratiques pionnières visant dans le premier cas à trouver des terres cultivables et dans l’autre cas, à trouver des pâturages consommables et donc à trouver un point d’eau qui permet l’utilisation du pâturage.
 
• Activité d’élevage
 
Il s’agit d’élevage de bétail organisé en troupeaux d’animaux domestiqués dont il sera question ultérieurement. Ce bétail, paît et broute des végétaux structurés en pâturages par l’homme et l’animal sur la base de ressources naturelles. Ceci donne des pasteurs qui élèvent du bétail (pas des abeilles, ni des grenouilles ni des mouches..) mais du bétail…
 
Il s’agit de pasteurs nomades dont les caractéristiques sont les suivantes :
Ils constituent des sociétés dont un des fondements qui assure la survie et la reproduction de celle-ci est l’animal organisé en troupeaux plus ou moins domestiqués. L’animal est l’élément intermédiaire entre l’homme (le pasteur qui peut être le berger) et la nature qui recèle les ressources naturelles consommables (ou non) dont la qualité alibile des espèces est connue et reconnue par la société.
 
Une des particularités du pastoralisme nomade est que son rapport à la terre et donc à sa transformation, ne fait pas l’objet d’un travail humain. C’est l’animal, plus ou moins domestiqué qui transforme la nature et qui assure également seul, la reproduction du végétal et donc de la ressource en évitant la dégradation irréversible de la nature.
 
La distinction entre pasteurs nomades et éleveurs nomades réside, entre autre, sur le fait que chez les premiers la gestion du troupeau est basée sur les déplacements des troupeaux, la mise en défens et le prélèvement sur pied des ressources fourragères alors que chez les éleveurs nomades il existe des techniques de stockage (d’engrangement) qui se combinent aussi à la mobilité et à la consommation fourragère sur pied.
 
• Ressource naturelle
 
La ressource naturelle n’est ressource qu’à partir du moment où elle fait l’objet d’un usage.
 
• Appropriation sociale
 
L’appropriation sociale incorpore deux types de droit :
–     un droit de propriété inaliénable (ce qui est conforme à la notion juridique de propriété au sens civiliste du terme) associé à
–    un droit d’usage tout aussi inaliénable.
 
Ce qui est fondamental est l’inaliénabilité c’est-à-dire la non transmission à un individu, à autrui mais la transmission (en tant que « biens écologiques » socialement approprié ce qui est constitutif d’une sorte de « patrimoine » des conditions écologiques à des lignages usagers de cet espace.
 
Il y a appropriation sociale quand il y a maîtrise des richesses produites. Dans le cas du pastoralisme nomade, il y a appropriation des ressources naturelles (végétales et minérales) par la consommation ce qui illustre une forme d’appropriation sociale car il y a maîtrise des richesses naturelles par la consommation et son seuil de consommation qui permet le reproduction de la ressource ce qui représente une technique de préservation de la biodiversité qu’incorpore la mobilité pastorale.
 

 

2 – Typologie du pastoralisme nomade
 
Dans ces conditions, on peut avancer la typologie suivante :
 
– Le pastoralisme nomade
Les grandes caractéristiques principales concernent la mobilité et la flexibilité.
Un des temps fort du pastoralisme nomade est la transhumance dont une définition sera proposée ultérieurement. En d’autres termes, le pastoralisme nomade n’est pas réductible à la seule transhumance.
Ce type de mobilité concerne aussi bien le pastoralisme nomade bédouin fondé sur le dromadaire que celui dit « africain », caractérisé par l’utilisation largement dominante des bovins. Qu’il soit « bédouin » ou « africain », ce pastoralisme nomade est presque toujours associé à un pastoralisme de petits ruminants et quelquefois à des activités résiduelles d’agriculture sur des champs éphémères ou non.
 
Ce type de nomadisme évolue au sein d’aires de nomadisation aux limites très fluctuantes, ce qui rend difficiles les tentatives de délimitations territoriales. En conséquence, il est préférable de parler en termes d’espace de nomadisation. La notion d’espace, à la différence de territoire, incorpore de par son imprécision, la mobilité et la flexibilité qui caractérisent les dynamiques internes des sociétés pastorales.
 
Ce type de nomadisme est incarné par la tente (soit par le vélum en peaux ou en toile, soit par des nattes confectionnées dans des fibres végétales).
 
Comme toutes les autres activités d’élevage de bétail, ce pastoralisme nomade est concerné par des territoires d’attache (territoire semble dans ce cas convenir) dont l’existence est particulièrement pertinente au moment de la saison sèche. Ce territoire est souvent défini par un ensemble de puits socialement contrôlés par les lignages, des clans, des tribus (cf. lexique) selon les modes et les formes d’organisation sociales qui régissent le fonctionnement des sociétés pastorales considérées.
 
– Le pastoralisme nomade à points fixes
Il se distingue du précédent car il combine deux types d’habitats : l’un fixe, l’autre mobile. On notera que ces deux types d’habitats ne renvoient pas nécessairement à des pratiques agricoles. En effet, il n’y a pas obligatoirement de relation linéaire, de relation de cause à effet, entre fixité et activités agricoles. L’usage courant le dénomme semi-nomadisme. Ce type de nomadisme renvoie souvent à une utilisation plus diversifiée, et sans doute plus spécialisée, du troupeau.
 
Le support écologique sur lequel se déroulent ces deux types de pastoralisme nomade est assez proche. La division familiale (et sociale) du travail au sein de la production pastorale semble plus élaborée (sous réserve de vérifications) dans le second cas.
 
– L’agropastoralisme (bovins et petits ruminants)
Ils se caractérisent par une complémentarité structurelle entre les activités agricoles et pastorales. La répartition de ces activités est assurée au sein des familles restreintes (unité domestique conjugale) ou élargies (frères, neveux et cousins). Cette diversité des activités économiques peut s’exercer au sein d’une même communauté structurelle. L’agropastoralisme se caractérise par une plus grande stabilité territoriale qui permet un contrôle social sur l’espace pâturé.
 
La transhumance est aussi, le cas échéant, comme pour le pastoralisme nomade, un temps fort du système de production pastorale annuel. Comme dans le cas du pastoralisme nomade à points fixes, l’agropastoralisme intègre en totalité ou en partie, le troupeau en stabulation au village.
 
– L’agro élevage
Ce système de production se caractérise par une dominante agricole très nette. La constitution du bétail en troupeau et la composition de celui-ci, résulte souvent de l’addition de quelques têtes de bovins appartenant à plusieurs propriétaires. La taille et la constitution des troupeaux n’ont rien à voir avec ceux des pasteurs nomades ou des agropasteurs.
 
L’agro-élevage renvoie à la distinction opérée antérieurement entre pasteurs et éleveurs : il s’agit d’élevage et non pas de pastoralisme. Le troupeau rentre chaque soir au village : il s’agit bien de villages et non pas de campement et le bétail s’inscrit dans une économie d’appoint qui correspond souvent à un enrichissement du producteur agricole.
 
Enfin, l’agro-élevage est exercé par des agriculteurs qui développent des stratégies complémentaires sur l’élevage de bétail en stabulation (souvent associé à d’autres élevages) : il ne s’agit plus de nomadisme.
 
À ces quatre grands systèmes de production se combinent quelquefois des « sous-systèmes  » qui ne débouchent pas pour autant sur un élargissement de la typologie proposée. C’est ainsi qu’au pastoralisme nomade sont associées, selon les cas et selon les traditions, des pratiques agricoles qui concernent la production du mil. Dans le cas de l’agropastoralisme, il existe une plus grande diversité de produits agricoles (mil ; sorgho pluvial ; sorgho de décrue ; arachide ; haricot). On retiendra, enfin, qu’à l’agro-élevage peuvent être associées quelques fois des pratiques de transhumance.
 
Il importe d’ores et déjà de définir ce que j’entends par foncier et système d’élevage.
 
Le foncier agricole se construit sur la terre qui s’inscrit dans des droits permanents et transmissibles. La terre produit quelque chose par le travail de l’homme alors que le pâturage est constitué de ressources naturelles qui sont prélevées mais non produites.
Le foncier concerne l’ensemble des règles d’accès, d’exploitation et de contrôle s’exerçant sur les terres et les ressources renouvelables.
 
Le foncier met en jeu :
–    des règles ou normes relatives à l’héritage, aux formes d’appropriation, aux modes d’exploitation
–  des droits détenus et transmis
–  des autorités qui ont le pouvoir d’affecter des droits, de faire appliquer des règles, de les modifier et le pouvoir d’arbitrer et de trancher des conflits.
 
Le foncier est basé sur les rapports entre les hommes à propos de la terre et des ressources qu’elle recèle. Le foncier n’est pas basé sur une relation entre l’homme et la terre. Il met en jeu des rapports sociaux et peut être considéré lui même comme un rapport social qui le transforme en un bien collectif ou non, transmissible.
 
Le terme foncier met l’accent sur le « fonds », la terre, la ou les règles sociales qui concernent en général d’abord les ressources : droit de prélever les ressources renouvelables, droit de planter, droit de récolter les fruits de son travail.
Il existe plusieurs types de foncier :
–    Foncier coutumier
–   Foncier islamique
–   Foncier dit « moderne » qui relève du droit romain, du droit civiliste
Il importe de replacer le foncier dans son contexte historique, social et politique/ Le foncier dans l’espace, illustre des rapports sociaux : il est nécessairement une question politique
 
Le système d’élevage pastoral est l’ensemble des pratiques et techniques mises en oeuvre par un pasteur ou un éleveur constituant une communauté pour faire exploiter les ressources naturelles végétales et animales par des animaux organisés en troupeaux se déplaçant dans un espace donné afin d’obtenir une production animale.
 
La caractérisation d’un système d’élevage pastoral passe par celle de trois pôles constitutifs en interactions permanentes, à savoir, le pasteur, le troupeau et le terrain de parcours.
 
 
3 – La mobilité flexibilité
 
La caractéristique fondamentale du pastoralisme nomade et de ses sous-systèmes réside dans le couple « mobilité-flexibilité » qui nécessite des précisions. La mobilité concerne un système de déplacements dont la structure dominante repose sur des cycles annuels induits par les conditions écologiques et climatiques. Dans des conditions normales, ce système de déplacements vise à une occupation humaine et animale rationnelle de l’espace afin de préserver les conditions de reproduction des ressources naturelles. Cet espace, défini socialement, conditionne les limites fluctuantes des terrains de parcours sur lesquels évoluent des campements dont la taille se caractérise par une flexibilité imposée par des contraintes et des choix divers (écologiques, parentaux, amicaux, sociaux ; par la nature et la composition des troupeaux : petits ruminants, gros bétail, laitières, etc.).
 
La « mobilité-système de déplacements » met en œuvre un ensemble de techniques de production qu’elle incorpore et qui sont générées par le système économique ; en ce sens, on peut considérer que la mobilité, aspect particulier des activités humaines et animales, est elle-même une technique de production. Elle incorpore et synthétise d’autres techniques de production maîtrisées par le berger (gardiennage, utilisation du chien, des cris, connaissance du milieu, etc.). Ces techniques sont inhérentes aux comportements du troupeau domestiqué (instinct grégaire, rôle de l’animal leader qui concourt à tracer un territoire, connaissance des pâturages, etc).
 
Il va de soi que la technique, dans le pastoralisme nomade et dans les sous-systèmes qui lui sont liés, ne se réduit pas à l’outil et l’on doit s’extraire d’une conception instrumentaliste, voire fétichiste, de la technique.
 
En d’autres termes et d’une manière plus empirique, un système de production incorpore aussi un certain nombre de variables qui sont:
-Herbe
– Eau
– Régularité et irrégularité de la productivité primaire (pâturages et cultures) ;
– Facteurs biotiques et abiotiques ;
(Ces quatre éléments définissent un paysage).
– Conditions techniques et sociales des ressources naturelles (ex. la transhumance) ;
– Méthodes d’exploitation : utilisation des puits, traditionnels, modernes et publics. Cette utilisation des puits est liée à :
– L’ itinéraire de la transhumance ;
– La taille des troupeaux ;
– La mobilité ;
– La pratique de l’agriculture ;
– La saison du passage ;
– La localisation des marchés.
 
Une des formes les plus achevées et les plus organisées de la « mobilité-système de déplacements » est la transhumance.
 
 
4 – Typologie et formes d’appropriation des ressources naturelles
 
L’utilisation des ressources végétales est fortement déterminée par les conditions d’accès au point d’eau, notamment au puits dont le statut varie très sensiblement en fonction des sociétés.
 
On abordera donc le statut des puits traditionnels dans les structures sociales actuelles et à travers certains exemples qui peuvent servir d’échantillon représentatif de la diversité des cas.
 
Il faut insister sur le fait que les catégories autochtones constitueront les fondements des notions et concepts utilisés dans l’exposé et l’analyse des faits. Ces catégories sont très éloignées des catégories juridiques issues du droit civiliste. Il apparaît ainsi que les droits et condition d’accès aux puits sont régis par un droit de prééminence dont les formes varient en fonction des sociétés et des coutumes locales. Il ne s’agit en aucun cas d’un droit de propriété privatif ou privé mais d’une prééminence sociale qui s’inscrit dans une structure communautaire dont l’unité sociale la plus pertinente est généralement le segment lignager ou le lignage selon les cas et les problèmes rencontrés.
 

Afin d’éviter des approches ethnocentristes qui ne correspondent ni aux catégories de pensées des populations étudiées, ni à leurs dynamiques sociales et politiques il importe de s’appuyer sur les critères que la société étudiée utilise afin de ne pas travestir leurs originalités.

Agadez (Niger) 29 octobre 2009

André Bourgeot

Esprit d'avant