Journal de l’homme tatoué

Emeline Pierre et Ludivine Guillas

Aujourd’hui, j’ai encore eu un nouvel entretien à passer. Une fois de plus, j’ai été jugé sur mes tatouages et non sur mes capacités. Alors que pour mettre toutes les chances de mon côté, j’ai fait l’effort d’enlever tous mes piercings, cela n’a pas été suffisant. Malheureusement pour moi le recruteur a vu une partie du tatouage qui dépassait du col de ma chemise. Il représente une flamme avec un visage humain qui fond, ce qui a effrayé le recruteur, qui n’a pas cherché à comprendre l’histoire… L’histoire de la mort de mon frère dans un incendie. C’est là qu’il m’a demandé si j’en avais plusieurs et leur taille. Lorsque je lui ai dit que mon corps en était recouvert et qu’ils étaient imposants,  son ton est devenu plus sec et il a écourté l’entretien, prétendant avoir deux candidats à rencontrer avant la fin de la matinée. Ce n’est pas la première fois que je fais face à ce genre de situation. Je sais qu’il ne me recontactera pas, car mes tatouages l’ont dérangé. Je suis déçu que dans notre société actuelle, l’image soit si importante. J’aimerais être accepté comme je suis, avec mes tatouages et mes piercings. Je voudrais qu’on arrête de juger avec l’apparence. C’est injuste, j’ai fait des études et je suis aussi compétent que d’autres personnes, les histoires de ma vie sont juste gravées sur mon corps. Tous ont leur signification, et si les gens allaient au-delà du regard, qui dès l’instant qu’ils le posent sur moi est négatif, ils pourraient voir et comprendre mon histoire… C’est difficile à supporter au quotidien, c’est ce qui fait ma personnalité, je suis un homme sensible. Mes tatouages font comme un mur entre moi et le monde. On ne cherche pas à aller plus loin, à apprendre à me connaitre, car j’ai beaucoup d’histoires à transmettre et à raconter qui font la richesse de mon vécu.  

 Emeline Pierre et Ludivine Guillas