Le vitrail, travail de la lumière et des couleurs

Le travail du vitrail c’est véritablement donner à la lumière une dimension différente.
Résumé au plus près, le vitrail est une paroi le plus souvent colorée, traversée par la lumière (donc transparente ou translucide) qui s’intègre dans une architecture. On peut comprendre à partir de chacune de ces composantes les dimensions qui interviennent dans son élaboration.
• Intégration dans un édifice
La première des données, celle qui est l’essence de la compréhension du programme n’est pas le vitrail lui-même mais la nature et la destination de l’édifice dans lequel il s’intègre. C’est ce qui en fera l’écrin ou l’ancrage, c’est aussi sa durée. Le vitrail crée une atmosphère. Il apporte une présence qui s’accorde à l’édifice dans lequel il prend place. Du fait de l’architecture, cette présence est appellée à dépasser l’expression d’une seule personne et d’un seul moment.
Le vitrail crée une atmosphère. Il peut être historié ou non. Au moyen-âge, il avait une charge symbolique ou d’enseignement. C’était comme un livre d’images. Il avait pour fonction essentielle de « donner à voir ». Au fil des époques, il a eu des valeurs différentes, narrations, apologies, sans jamais être purement décoratif même lorsque dans une salle à manger, une salle de restaurant ou une cage d’escalier, les motifs sont purement ornementaux. Il transforme une ambiance. Il crée une atmosphère lumineuse et il est important que cette atmosphère soit en accord avec l’activité du lieu. Par exemple, une ancienne chapelle transformée en salle de ventes appelle un vitrail dans la baie qui l’éclaire, mais ce vitrail n’aura pas forcément un motif religieux. Dans un édifice religieux, suivant qu’il s’agit d’un lieu de culte paroissial, plus festif et animé, ou une congrégation qui souhaite le recueillement, le choix des couleurs sera différent.
• Une palette de techniques qui peut servir des expressions artistiques très diverses
Jusqu’au milieu du XX° siècle , on donnait pour définition du vitrail « composition de verres colorés assemblés au moyen de profils en plomb ». La coloration était le plus souvent dans la masse du verre mais pouvait aussi être le fait de peintures et, souvent, rehaussée de traits à la grisaille. Même si les possibilités de coloration, d’assemblages et de dessins se sont considérablement enrichies au cours des siècles, cette technique du vitrail, dite « classique », a été véritablement transformée au cours du XX° siècle par de nouveaux moyens qui permettent maintenant de servir des expressions artistiques très variées.
La technique classique –verres colorés découpés et assemblage au plomb – est utilisée pour la restauration ou la reprise de vitraux anciens. Elle convient aussi à des expressions très modernes comme celles des artistes Combas et Adami qui ont un dessin très net, des formes épurées. Le sertissage au plomb s’accorde avec certains types de dessin, en outre, il rythme la surface et convient particulièrement pour intégrer des verrières dans certaines architectures dans lesquelles une surface unie pourrait sembler vide ou disproportionnée.
Le travail du verre très épais – dalle – par les éclats de surface permet la diffraction de la lumière. Les dalles taillées et travaillées sont assemblées à l’aide d’un matériau plus rigide que le plomb, mortier ou résine. L’expression des artistes Fernand Léger, Henri Guérin, Gabriel Loire, s’accordaient particulièrement à cette technique.
Le verre thermoformé permet d’aborder de grandes surfaces avec un minimum d’armatures. C’est le relief qui est plus particulièrement travaillé. Le verre posé sur un moule est porté à une température avoisinant 800°. Sous l’effet de la chaleur et de la gravité, il prend l’empreinte du moule. Le matériau choisi est une plaque de grande dimension et épaisse, ce qui restreint le choix des couleurs mais des colorations peuvent être ajoutées par la suite. Ces techniques de réalisation pour le vitrail font appel aux techniques mises en œuvre pour la production du verre. Elles s’accordent aux édifices contemporains.
On peut maintenant travailler sur de grandes surfaces de verre en les couvrant avec des émaux et des céments. C’est la technique choisie par le père Kim en Joong. Il appose les céments au pinceau sur des surfaces de verre incolore. C’est par le geste empreint de l’exercice de la calligraphie qu’il aborde la dynamique de la couleur. Les plaques de verres « peintes » sont cuites dans des fours plats. Les cuissons successives transforment les couleurs progressivement. Un rouge sombre sert de base. Il s’éclaircit au cours des passages successifs dans le four. Des ocres et des jaunes apposés viennent l’éclaircir, pour une part en se mêlant aux couleurs de base, mais aussi par un jeu de réflexion. Les couleurs complémentaires achèvent de transformer l’ensemble.
A un autre extrême, le travail de l’artiste François Morellet demande une maîtrise parfaite des matériaux et même de la lumière, distribuée parfois par des tubes néons ce qui est un quasi paradoxe quand on parle de vitrail.
 La captation de la lumière et la répartition des couleurs génèrent un équilibre toujours vivant
Un même lieu peut amener des émotions ou de états très différents suivant l’éclairage qui lui parvient. En ce qui concerne le vitrail il s’agit de constructions mais on peut comparer l’effet de la lumière avec les façons de percevoir la forêt, selon que l’on se trouve en lisière ou sous des feuillages épais, au matin ou en plein « midi ». L’atmosphère peut être un simple émerveillement, une fraîcheur dynamisante, l’invitation à méditer ou encore bien d’autres émotions.
La lumière ne nous parvient jamais à nu. Elle est transformée par les matières qu’elle traverse, modifiée dans son trajet selon qu’elle est directe ou indirecte.
Dans l’absolu, toutes les couleurs additionnées parviennent au blanc. Il est possible de penser que la répartition des couleurs, si elle est équilibrée tend à ce blanc que l’on peut définir comme médian ou résolutoire. Ainsi, la répartition des couleurs chaudes au Nord et froides au Sud peut-être un choix pour parvenir à un équilibre dans l’ensemble de l’édifice. Au contraire, souligner en couleurs froides le Nord et le Sud en couleurs chaudes accentue le caractère mobile de la lumière et les transformations d’atmosphères liées à son trajet. Il faut aussi tenir compte de l’angle de l’éclairement, de l’intensité suivant la latitude, de la durée et des possibilités de réverbération. Une verrière au Sud est éclairée plus longtemps par des rayons qui projettent les couleurs au sol. Elle sera donc dominante dans l’atmosphère de l’ensemble. Une verrière au Nord en Tunisie peut recevoir et transmettre autant de lumière qu’une verrière au Sud dans un pays d’Europe. Si les verrières sont en plein ciel ou à hauteur d’arbres ou entourées d’autres constructions, l’effet des couleurs qui la composent sera modifié.
Le vitrail reste infiniment sensible à la variation de la lumière et même si sa vocation est de conduire l’éclairage au plus près de l’intention de l’édifice dans lequel il s’intègre, la lumière reste imprévisible. C’est cela qui fait sa magie.
Maître verrier
Propos recueillis par C. Luuyt