UNE HISTOIRE D’AMITIÉ, TOUTE SIMPLE, ET IMPRÉVISIBLE …

Pierre LEHNEBACH

Bulletin n°17 – Avant

En 3° année de théologie à Montpellier, fin de mon sursis et, vu mon expérience du temps de guerre (père pasteur missionnaire en Indochine, occupation japonaise, bombardements etc..) je décide de me déclarer «objecteur de conscience ». Le pasteur aumônier de l’armée de l’air me dit que c’est idiot parce qu’il a besoin d’un type comme moi pour s’occuper des apprentis de l’armée de l’air, à Saintes : « Ils sont mal en point,  etc.. » J’accepte et me voici à Saintes, responsable du  » service loisirs » de la base 702. (Février ? Mars ? 1953 …il me semble). Un bureau d’organisation de loisirs pour ces jeunes engagés  « par leurs parents » pour la plupart (comme Jacques par son père, je crois).

 

Un soir, sur ma table, ma thora et ma « grammaire juive » pour ne pas trop perdre la forme – pas terrible en hébreu- avant ma 4° année de fac. Jacques (qui avait participé à telle ou telle activité…) est là et me dit quelque chose comme « ils sont jolis tes vermicelles… » Je lui raconte. Lui dit un truc ou deux.  Çà l’intéresse, lui, passionné de langues (il m’a dit un jour avoir réussi un brevet d’interprète d’allemand, dans l’armée de l’air… )

…. Résultat: au bout de quelques mois il est au moins aussi fort que moi …

Nous échangeons très souvent (« pourquoi pasteur ? Pourquoi objecteur ? Dieu c’est quoi ? Jésus c’est qui ???) … Le pasteur de Saintes nous invite. Sa famille nous accueille… bref : une histoire d’amitié, d’hospitalité, d’ouverture assez  » huguenote  » (c’est la ville de Bernard Palissy). Jacques, très « communiquant »  et « travaillé » par son N.T qu’il ne quitte pas …

 

… Pour prendre un peu d’air, il part en permission de quelques jours. Il est, un Dimanche, à « La Tremblade »… Revenu, Il me raconte : c’est Dimanche matin, il entre dans le temple. C’est  pendant « l’école du Dimanche » il voit les enfants… il s’assied dans un endroit tranquille, N.T en main il lit, il lit totalement, « à la Jacques » (ndlr). Les enfants sortent… le culte commence. Jacques lit sans se rendre compte des changements d’ambiance…Et voici que  pour texte de prédication Jacques, soudain, entend  le pasteur lire l’histoire de « la perle de grand prix » laquelle, JUSTEMENT, venait d’entraîner jacques en émerveillement …!!!  

 n.b.: le pasteur: un de mes « anciens » de la fac, Raisin-d’Adre, étonnant, tout pour plaire à jacques …

Revenu de perm, il me raconte !!!  (cette « histoire », certainement,  l’a ébloui et sans doute pas mal secoué … ou éclairé tout simplement ???) 

Peu après il demande sa mutation au Bourget parce que, là-bas, il y a une synagogue stricte « où on parle hébreu.. ». …

Je termine « mon temps », rentre à Montpellier, il m’écrit être passé à la frat de St Nazaire (il savait que j’avais « vécu » 2,3 ans d’expérience à la « fraternité de la Maison Verte », Paris, Mission Populaire…)

Nous nous retrouvons à Sète, un été : je remplace le pasteur du lieu et lui, comme gagne-pain d’étudiant à la fac de Montpellier « dirige  » (!!!???) le camping du Lazaret qui me loge. (Là, il m’initie à la vodka !!)

Retour d’Israël, il vient nous voir à MENDE (mon premier poste) il y mène une étude biblique : Jérémie, à la suite de quoi un couple d’origine israélite (sauvé par le pasteur « d’avant »), découvre un monde ancien et nouveau et, du coup, réintègre la synagogue……. Puis….Puis…Puis …

Nous nous contactons de loin en loin. Il m’explique des choses, m’envoie tel ou tel de ses écrits. Nous inter-changeons des nouvelles… De passage à Paris il vient à Palaiseau, ma paroisse d’alors, époustoufler les CNRS, CEA, et autres polytechniciens du cru…

Et puis voilà….

Voilà : nous nous sommes aimés en profondeur, rejoins en pointillé, ….  Il m’a dit un jour, tout au début :  » finalement, ton église, c’est comme un cerf-volant : n’importe quoi mais face au vent … » 

Pierre Lehnebach

Esprit d'avant