La parole proclamée ou la rencontre des cultures.
Réflexions autour du spectacle » Du griot au slameur » (Fondation Royaumont)
Argan Aragon
Bulletin n°9 – Langues
Faut-il avoir traversé tous les pays avec une guitare ou un harmonica comme seul interprète pour se convaincre que la musique dépasse les frontières de l’expression ? La musique touche, elle est mobile, elle suit les mouvements de l’humeur. Grâce à elle les peuples se font entendre par delà les différences. Mais lorsqu’elle s’accompagne de paroles, lorsqu’elle témoigne de la pérennité d’une culture ou exprime l’acuité d’un moment, elle est « tout un monde » et faire se rencontrer plusieurs musiques devient un pari. Puisque notre temps déplace et rapproche les hommes et les cultures, faire de la rencontre entre leurs musiques une création où chacun va au plus loin de son art dans une œuvre commune répond à ce beau pari.
Le spectacle « Du griot au slameur » est le fruit de rencontres entre une palette d’acteurs (presque vingt) qui sont autant de visages de la France et de l’Afrique d’aujourd’hui. Si le plateau scénique nous permet d’apprécier tour à tour le slam des cités, le jazz classique, le jazz fusion, la musique traditionnelle malienne son chant et ses percussions et une incroyable variété d’expressions du corps qui danse et saute et percute, ce n’est pas tant la diversité qui nous étonne que l’inter pénétration des pratiques musicales dont nous percevons les traces au fond de ce travail.
La réussite de cette rencontre entre des musiques orales d’Afrique et d’Europe, anciennes et actuelles, nous ouvre l’espace joyeux d’une fête mais aussi nous invite à saisir les indices de chance d’une compréhension et d’une estime partagées.
Le spectacle « Du griot au slameur » est le fruit de rencontres entre une palette d’acteurs (presque vingt) qui sont autant de visages de la France et de l’Afrique d’aujourd’hui. Si le plateau scénique nous permet d’apprécier tour à tour le slam des cités, le jazz classique, le jazz fusion, la musique traditionnelle malienne son chant et ses percussions et une incroyable variété d’expressions du corps qui danse et saute et percute, ce n’est pas tant la diversité qui nous étonne que l’inter pénétration des pratiques musicales dont nous percevons les traces au fond de ce travail.
La réussite de cette rencontre entre des musiques orales d’Afrique et d’Europe, anciennes et actuelles, nous ouvre l’espace joyeux d’une fête mais aussi nous invite à saisir les indices de chance d’une compréhension et d’une estime partagées.
• « Du griot au slameur » : oralités anciennes, oralités urbaines
L’initiative de cette rencontre à pris corps en 2008 lorsque Frédéric Deval, créateur et directeur du Département de musiques orales et improvisées à la Fondation Royaumont à invité des musiciens représentant la pure tradition instrumentale africaine ou des griots du Mali à rejoindre des artistes de jazz et du slam en France afin de rassembler des maîtres de la parole et des instrumentistes pour une rencontre des « musiques orales et improvisées ». Certains ont forgé leur art dans des villages d’Afrique témoignant d’une musique qui célèbre et perpétue les traditions (griots), d’autres, ont appris la musique au Conservatoire et d’autres encore dans les rues des cités et des banlieues. Le statut de leur art est différent dans les sociétés auxquelles ils s’adressent, les uns incarnant une tradition héritée de père en fils depuis des générations, les autres exprimant une parole construite dans les réalités du quotidien des sociétés modernes. Le griot en Afrique est présent pour les évènements fondateurs de vie familiale et sociale tandis que le slameur proclame une critique des problèmes de la société (injustices, immigration, inégalités, identités, etc.). La parole du slameur dégage une partie de la violence présente dans la vie dans les banlieues françaises où la pauvreté et les problèmes de formation et d’accès à l’emploi sont plus marqués qu’ailleurs.
La rencontre entre des traditions, des formations et des vocations si différentes, relève le pari de révéler ce que ces voix réunies ont d’universel lorsqu’elles sont mises ensemble sur une scène au 21ième siècle.
Les artistes sont plus ou moins connus dans leur pays. Leur pays est un peu comme une route continue entre le Mali et la France où ils sont chacun à des moments différents de la migration : Malkhi a quitté le Mali quand il avait un an, Balaké vit toujours au Mali et sa célébrité lui permet de voyager sur différentes scènes du monde. Les slameurs, qu’ils soient de France ou du Mali, Blackiss, Dgizz, Lassy King Massassy, Madou Blax, Rab’zax, composent avec les voix et les chorégraphies de Lazare, Nampé Sadio, l’incroyable éventail sonore de Médéric Collignon, les percussions de Benjamin Colin et d’Adama Diarra (balafon & percussions), les instruments à cordes de Smaba Diabaté (n’goni) et de Soumaila Diakité (soku), le sax alto de Guillaume Orti, la kora de Ballaké Sissoko, et la danse de Taoufiq Izeddiou.
Le programme d’oralités contemporaines de la Fondation Royaumont a suscité la rencontre. Personnalités, histoires, rythmes, phrasés se sont réunis à Bamako pour une première résidence au Centre culturel français, puis quelques mois plus tard dans l’Abbaye de Royaumont (Val d’Oise). Le spectacle a été présenté à Royaumont en octobre 2008, et deux ans plus tard en mars 2010 à Villiers-le-Bel puis à Ermont.
Chacun des acteurs sur scène est porteur de sa propre tradition, porteur aussi de la maîtrise de son art, et accepte de « perdre sa couronne » pour la vérité de la rencontre.
Du griot au slameur est la mise en parole et en musique d’un vécu qui puise ses racines dans la culture et dans la difficulté du présent, c’est la mise en paroles d’un cri intérieur qui mêle France et Afrique et qui s’exprime par le verbe, le corps, l’onomatopée, la danse, le souffle, les vibrations.
Les artistes sont plus ou moins connus dans leur pays. Leur pays est un peu comme une route continue entre le Mali et la France où ils sont chacun à des moments différents de la migration : Malkhi a quitté le Mali quand il avait un an, Balaké vit toujours au Mali et sa célébrité lui permet de voyager sur différentes scènes du monde. Les slameurs, qu’ils soient de France ou du Mali, Blackiss, Dgizz, Lassy King Massassy, Madou Blax, Rab’zax, composent avec les voix et les chorégraphies de Lazare, Nampé Sadio, l’incroyable éventail sonore de Médéric Collignon, les percussions de Benjamin Colin et d’Adama Diarra (balafon & percussions), les instruments à cordes de Smaba Diabaté (n’goni) et de Soumaila Diakité (soku), le sax alto de Guillaume Orti, la kora de Ballaké Sissoko, et la danse de Taoufiq Izeddiou.
Le programme d’oralités contemporaines de la Fondation Royaumont a suscité la rencontre. Personnalités, histoires, rythmes, phrasés se sont réunis à Bamako pour une première résidence au Centre culturel français, puis quelques mois plus tard dans l’Abbaye de Royaumont (Val d’Oise). Le spectacle a été présenté à Royaumont en octobre 2008, et deux ans plus tard en mars 2010 à Villiers-le-Bel puis à Ermont.
Chacun des acteurs sur scène est porteur de sa propre tradition, porteur aussi de la maîtrise de son art, et accepte de « perdre sa couronne » pour la vérité de la rencontre.
Du griot au slameur est la mise en parole et en musique d’un vécu qui puise ses racines dans la culture et dans la difficulté du présent, c’est la mise en paroles d’un cri intérieur qui mêle France et Afrique et qui s’exprime par le verbe, le corps, l’onomatopée, la danse, le souffle, les vibrations.
• Des maîtres du rythme…
Le rythme est le point de rencontre de ces musiciens. Le rythme premier est le battement du cœur, il varie en fonction des émotions. C’est l’intériorité et le vecteur des émotions. Etre sensible au rythme c’est être sensible à l’émotion de l’autre. Chacun ayant travaillé la musique a travaillé le rythme, et c’est par cela, sachant jouer, moduler, propulser, qu’il est musicien et qu’il est reconnu par ses pairs. Car, si le rythme est la vibration primordiale, il est aussi l’exercice et la technique. Il s’apprend, se travaille, s’échange. Il est caractéristique d’un instrument mais il peut aussi être transposé. Il se transmet ou s’écrit, il est nommé comme une séquence musicale, comme une mélodie. C’est la structure de l’expression avant les mots.
C’est par le rythme que les expressions se mettent en place, se composent, se barattent. La parole doit être rythmée pour être créatrice nous dit un conte d’Hamadou Ampaté Bâ. La parole doit aussi être proclamée pour s’affirmer et pouvoir atteindre d’autres écoutes. Ainsi, même affranchie des rigueurs de l’écrit et de ses codes repérés, au plus près du souffle, de la vitalité et de l’énergie, la parole est travaillée jusqu’à se cristalliser dans une composition rythmique et scénique pour se donner en partage. Elle se fixe dans une mémoire qui assure un déroulement précis.
Ne serait-ce pas ce barattage qui permet que l’essence des uns et l’essence des autres se rencontrent « comme une simple cuisine » ? Comme le dit Médéric Collignon c’est un système réinventé pour identifier et codifier les séquences mélodiques. Lui-même, incroyable improvisateur et expérimentateur de toutes les musiques (même les musiques les plus littéralement corporelles), bien que formé en musique classique, saura suivre et tenir le slam de Rab’Sax, le sax de Guillaume Orti ou le balafon d’Adama Diarra.
Puisqu’il s’agit de l’écoute au plus près tout autant que de la recherche et de la virtuosité, la rencontre des maîtres n’est pas seulement l’exercice de l’excellence mais la chance d’un dépassement par l’échange et la compréhension.
C’est par le rythme que les expressions se mettent en place, se composent, se barattent. La parole doit être rythmée pour être créatrice nous dit un conte d’Hamadou Ampaté Bâ. La parole doit aussi être proclamée pour s’affirmer et pouvoir atteindre d’autres écoutes. Ainsi, même affranchie des rigueurs de l’écrit et de ses codes repérés, au plus près du souffle, de la vitalité et de l’énergie, la parole est travaillée jusqu’à se cristalliser dans une composition rythmique et scénique pour se donner en partage. Elle se fixe dans une mémoire qui assure un déroulement précis.
Ne serait-ce pas ce barattage qui permet que l’essence des uns et l’essence des autres se rencontrent « comme une simple cuisine » ? Comme le dit Médéric Collignon c’est un système réinventé pour identifier et codifier les séquences mélodiques. Lui-même, incroyable improvisateur et expérimentateur de toutes les musiques (même les musiques les plus littéralement corporelles), bien que formé en musique classique, saura suivre et tenir le slam de Rab’Sax, le sax de Guillaume Orti ou le balafon d’Adama Diarra.
Puisqu’il s’agit de l’écoute au plus près tout autant que de la recherche et de la virtuosité, la rencontre des maîtres n’est pas seulement l’exercice de l’excellence mais la chance d’un dépassement par l’échange et la compréhension.
• … pour exprimer les déchirures monde d’aujourd’hui
Un plateau scénique qui rapproche l’Afrique et la France aujourd’hui est porteur de l’histoire de conquêtes, d’abandons, de rêves et de galères. Il s’y dit l’attachement et l’arrachement. La voix du slameur exprimant depuis son individualité, « ses racines à l’air libre », une critique de la société, face au griot dont la voix chargée de sa tradition, « ses racines en terre », célèbre le monde ou le pleure au nom du groupe.
Ainsi la parole slamée de Blakiss qui reprend en boucle « je suis un immigré dans mon propre pays » porte l’expérience de l’immigré en mélopée incantatoire. Lorsqu’il se demande « suis-je la voix des sans voix ? », c’est en quelque sorte la prise de corps de ces millions d’histoires de vie que fait taire la souffrance de l’expérience migratoire dans le monde d’aujourd’hui et qui lie profondément et de multiples manières l’Afrique et la France. Les blessures sociales s’expriment aussi dans les textes de Dgizz, de Rab’Zax ou de Lazare, sur la pauvreté, la marginalité, les cicatrices de l’histoire. Mais leur critique par la mise en mots prend la forme de « délire sensé » et accède au registre symbolique : « On n’a pas besoin de papiers, de sécurité sociale sur Saturne, on n’y travaille, pas ! ». Par le jeu et la dérision, ils montrent à quel point la situation des sans-papiers à quelque chose d’injuste et de profondément absurde.
Cette rencontre entre griots et slameurs, accompagnée par des maîtres du jazz taille et sertit l’espace qui naît des contrastes entre des rythmes saccadés et accélérés, échos des mondes urbains d’aujourd’hui, et des rythmes traditionnels plus posés et réguliers, comme des échos des mondes anciens, chacun exprimant dans son style les difficultés de l’existence, mais aussi ses rêves et ses joies.
Ainsi la parole slamée de Blakiss qui reprend en boucle « je suis un immigré dans mon propre pays » porte l’expérience de l’immigré en mélopée incantatoire. Lorsqu’il se demande « suis-je la voix des sans voix ? », c’est en quelque sorte la prise de corps de ces millions d’histoires de vie que fait taire la souffrance de l’expérience migratoire dans le monde d’aujourd’hui et qui lie profondément et de multiples manières l’Afrique et la France. Les blessures sociales s’expriment aussi dans les textes de Dgizz, de Rab’Zax ou de Lazare, sur la pauvreté, la marginalité, les cicatrices de l’histoire. Mais leur critique par la mise en mots prend la forme de « délire sensé » et accède au registre symbolique : « On n’a pas besoin de papiers, de sécurité sociale sur Saturne, on n’y travaille, pas ! ». Par le jeu et la dérision, ils montrent à quel point la situation des sans-papiers à quelque chose d’injuste et de profondément absurde.
Cette rencontre entre griots et slameurs, accompagnée par des maîtres du jazz taille et sertit l’espace qui naît des contrastes entre des rythmes saccadés et accélérés, échos des mondes urbains d’aujourd’hui, et des rythmes traditionnels plus posés et réguliers, comme des échos des mondes anciens, chacun exprimant dans son style les difficultés de l’existence, mais aussi ses rêves et ses joies.
• Le corps qui danse renouvelle l’énergie
La gestuelle et la danse sont parties intégrantes du langage multidimensionnel qui naît dans ce spectacle où l’on voit les corps qui s’entrechoquent, se frappent, se mêlent, s’unissent pour se séparer à nouveau. C’est comme si tout le travail musical et chorégraphique cherchait à dépasser l’émotion immédiate pour faire du symbolique, du composé.
Derrière les mots, reste l’énergie, et la scène devient une sorte de creuset dans lequel viennent se mélanger, sans pour autant se fondre, les différentes énergies ainsi mises en contact : « la rencontre avec les Maliens a complètement changé ma façon de travailler mon instrument, les attaques, la vélocité ; les nuances » (Guillaume Orti, sax). Une nouvelle sensibilité est crée, mais cela ne donne pas pour autant de la « musique du monde modernisée » ni du « jazz fusion », ce serait plutôt la création d’un style musical et scénique nouveau dans lequel les traditions rythmiques s’affirment, se respectent et créent ensemble l’espace harmonique où tient et se recrée le spectacle.
Les rythmes et les textes ainsi confrontés dans une dynamique créatrice, génèrent malgré la violence présente à certains moments du spectacle, une énergie festive et de joie certaine. La violence interne aux sociétés mais aussi celle de la mise en contact entre des univers mélodiques aussi distincts, se transcende ici et se transforme en énergie créatrice. Cette énergie circule entre les slameurs, les griots et les musiciens qui se répondent et jouent avec et pour l’autre. Cette énergie circule aussi avec le public dans la salle car une grande partie du travail musical cherche à engager ce public, jeune et adulte dans une dynamique rythmique, à scander les mots, chanter et crier, danser, et participer au même mouvement de mise en paroles des identités et de rencontre de l’autre. L’interaction entre les acteurs sur scène et la salle est sans doute le moteur profond du spectacle, et une de ses réussites majeures.
Cette « rencontre faite spectacle » peut être jouée pour tous les milieux sociaux, à Bamako (Mali), à l’Abbaye de Royaumont (Val d’Oise), à Villiers-le-Bel (Seine-Saint-Denis). Lors de l’une ou l’autre représentation, certains peut-être ne comprendront pas les textes et les chants en soninké, bambara, en français ou en slam. Mais cela importe peu car l’essentiel dépasse aussi le texte, il peut-être dans le rythme et dans l’émotion qui se génère : « Si je slame en bambara tu ne peux pas comprendre. Mais tu peux saisir l’émotion » (Blakiss, slam). Lorsque Dgizz slame, il n’est pas toujours aisé de le comprendre tellement son phrasé est rapide, mais d’après ses propres mots, c’est justement lorsque l’entendement ne comprend pas que l’on peut saisir la part d’universel que porte le langage.
Derrière les mots, reste l’énergie, et la scène devient une sorte de creuset dans lequel viennent se mélanger, sans pour autant se fondre, les différentes énergies ainsi mises en contact : « la rencontre avec les Maliens a complètement changé ma façon de travailler mon instrument, les attaques, la vélocité ; les nuances » (Guillaume Orti, sax). Une nouvelle sensibilité est crée, mais cela ne donne pas pour autant de la « musique du monde modernisée » ni du « jazz fusion », ce serait plutôt la création d’un style musical et scénique nouveau dans lequel les traditions rythmiques s’affirment, se respectent et créent ensemble l’espace harmonique où tient et se recrée le spectacle.
Les rythmes et les textes ainsi confrontés dans une dynamique créatrice, génèrent malgré la violence présente à certains moments du spectacle, une énergie festive et de joie certaine. La violence interne aux sociétés mais aussi celle de la mise en contact entre des univers mélodiques aussi distincts, se transcende ici et se transforme en énergie créatrice. Cette énergie circule entre les slameurs, les griots et les musiciens qui se répondent et jouent avec et pour l’autre. Cette énergie circule aussi avec le public dans la salle car une grande partie du travail musical cherche à engager ce public, jeune et adulte dans une dynamique rythmique, à scander les mots, chanter et crier, danser, et participer au même mouvement de mise en paroles des identités et de rencontre de l’autre. L’interaction entre les acteurs sur scène et la salle est sans doute le moteur profond du spectacle, et une de ses réussites majeures.
Cette « rencontre faite spectacle » peut être jouée pour tous les milieux sociaux, à Bamako (Mali), à l’Abbaye de Royaumont (Val d’Oise), à Villiers-le-Bel (Seine-Saint-Denis). Lors de l’une ou l’autre représentation, certains peut-être ne comprendront pas les textes et les chants en soninké, bambara, en français ou en slam. Mais cela importe peu car l’essentiel dépasse aussi le texte, il peut-être dans le rythme et dans l’émotion qui se génère : « Si je slame en bambara tu ne peux pas comprendre. Mais tu peux saisir l’émotion » (Blakiss, slam). Lorsque Dgizz slame, il n’est pas toujours aisé de le comprendre tellement son phrasé est rapide, mais d’après ses propres mots, c’est justement lorsque l’entendement ne comprend pas que l’on peut saisir la part d’universel que porte le langage.
• De l’oralité à la compréhension de l’autre et de soi
Du Griot au Slameur suscite des moments de compréhension précieux entre les musiciens sur scène mais aussi avec la salle. Lorsque le public se met à danser c’est l’énergie générée dans le processus de création et de représentation du spectacle qui se propage et se réalise.
Le corps, la voix et la musique se mettent au service de la compréhension de l’autre, mais aussi de l’affirmation de soi. L’identité se forme et se formule dans la relation d’altérité : c’est lorsqu’on s’affirme en tant qu’homme par sa culture que l’on invite les autres à se définir eux-mêmes. Le langage, sous ses différents modes est ici expression et incessante création et recréation de soi et de pont vers l’autre. Le langage suppose à la fois l’égalité pour comprendre, mais aussi l’altérité et l’affirmation de son identité. Le moment du Schlague, illustre parfaitement cette réunion de mondes que tout aurait pu éloigner et où devient palpable la compréhension mutuelle entre des mondes qui se respectent et composent ensemble : Dgizz slame un camé « qui ne vivra pas aussi longtemps que Jeanne Calmant », mais sa rage et son désespoir trouvent leur équilibre grâce à l’accompagnement de la kora profonde et sereine de Balaké Sissoko et la voix majestueuse de Nampé Sadio Traoré en pacifie la plainte. Leurs musiques et leurs paroles provenant de cultures différentes, jouent ensemble et créent un espace où le langage des uns soutient le langage des autres, chacun s’affirmant tout en respectant et en soutenant l’expression de l’autre
C’est une nécessité pour les hommes et pour les femmes de se formuler et de se proclamer, et cela l’est d’autant plus dans les pays d’immigration où chaque population porte en elle une culture et une histoire propre, et sont appelées à vivre ensemble et à se respecter mutuellement, depuis la voûte gothique de l’abbaye de Royaumont, au théâtre en béton de Villiers-le-Bel, aux rues de Bamako ou de Paris.
Serait-ce quand on ne parvient pas à se formuler soi-même que l’on ne parvient pas à comprendre l’autre et que la violence et l’incompréhension surgissent ? La réponse à laquelle nous invite Frédéric Deval en conduisant ce travail d’écoute et de création peut se perpétuer au-delà du spectacle. C’est ce défi auquel nous invitent les artistes musiciens sur scène. C’est un défi par lequel se crée l’espace qui permet aux individus de prendre corps et de se comprendre par l’expression des ressources culturelles de l’humain. Lorsque cette compréhension se produit dans une salle de spectacle c’est l’extraordinaire réussite d’une aventure humaine, lorsqu’elle parvient à se perpétuer à l’extérieur, dans la vie quotidienne faite de mélanges et de rencontres entre altérités, c’est la possibilité de vivre ensemble en paix et en respect mutuel, et sans doute, l’accomplissement de l’Humanité dans sons sens le plus élémentaire.
Le corps, la voix et la musique se mettent au service de la compréhension de l’autre, mais aussi de l’affirmation de soi. L’identité se forme et se formule dans la relation d’altérité : c’est lorsqu’on s’affirme en tant qu’homme par sa culture que l’on invite les autres à se définir eux-mêmes. Le langage, sous ses différents modes est ici expression et incessante création et recréation de soi et de pont vers l’autre. Le langage suppose à la fois l’égalité pour comprendre, mais aussi l’altérité et l’affirmation de son identité. Le moment du Schlague, illustre parfaitement cette réunion de mondes que tout aurait pu éloigner et où devient palpable la compréhension mutuelle entre des mondes qui se respectent et composent ensemble : Dgizz slame un camé « qui ne vivra pas aussi longtemps que Jeanne Calmant », mais sa rage et son désespoir trouvent leur équilibre grâce à l’accompagnement de la kora profonde et sereine de Balaké Sissoko et la voix majestueuse de Nampé Sadio Traoré en pacifie la plainte. Leurs musiques et leurs paroles provenant de cultures différentes, jouent ensemble et créent un espace où le langage des uns soutient le langage des autres, chacun s’affirmant tout en respectant et en soutenant l’expression de l’autre
C’est une nécessité pour les hommes et pour les femmes de se formuler et de se proclamer, et cela l’est d’autant plus dans les pays d’immigration où chaque population porte en elle une culture et une histoire propre, et sont appelées à vivre ensemble et à se respecter mutuellement, depuis la voûte gothique de l’abbaye de Royaumont, au théâtre en béton de Villiers-le-Bel, aux rues de Bamako ou de Paris.
Serait-ce quand on ne parvient pas à se formuler soi-même que l’on ne parvient pas à comprendre l’autre et que la violence et l’incompréhension surgissent ? La réponse à laquelle nous invite Frédéric Deval en conduisant ce travail d’écoute et de création peut se perpétuer au-delà du spectacle. C’est ce défi auquel nous invitent les artistes musiciens sur scène. C’est un défi par lequel se crée l’espace qui permet aux individus de prendre corps et de se comprendre par l’expression des ressources culturelles de l’humain. Lorsque cette compréhension se produit dans une salle de spectacle c’est l’extraordinaire réussite d’une aventure humaine, lorsqu’elle parvient à se perpétuer à l’extérieur, dans la vie quotidienne faite de mélanges et de rencontres entre altérités, c’est la possibilité de vivre ensemble en paix et en respect mutuel, et sans doute, l’accomplissement de l’Humanité dans sons sens le plus élémentaire.
Doctorant en sociologie, Etudes migratoires
Allocataire-moniteur Université Paris III La Sorbonne Nouvelle, IHEAL
/ CREDA, ED 122, ERSIPAL
Allocataire-moniteur Université Paris III La Sorbonne Nouvelle, IHEAL
/ CREDA, ED 122, ERSIPAL
Voir la vidéo du spectacle Du griot au Slameur (Fondation Royaumont – Département des musiques orales et improvisées) à l’adresse :
http://www.archivesaudiovisuelles.fr/FR/_video.asp?id=1674&ress=5296&video=118641&format=68