SMS, CHATS ET BLOGS 

FONCTIONS CRÉATIVES DANS LES PRATIQUES D’ECRITURE DES JEUNES

Les moyens modernes de communication que sont les chats, les blogs, ou les SMS font souvent place à des pratiques écrites particulières, notamment chez les jeunes. Les écrits atypiques observables dans ces lieux de communication et communément appelés « langage SMS » semblent résulter de plusieurs aspects communicationnels tels que des besoins spécifiques de communication ne pouvant être transcrits que par l’application de procédés linguistiques influant sur la forme et/ou le sens des discours écrits. En effet, l’adoption d’une forme langagière singulière et atypique ne résulte pas de personnes « fâchées » avec la langue ou de « fantaisies » relevant d’un fait ponctuel. Un même besoin d’écrire atypiquement a été éprouvé à plusieurs moments et par plusieurs personnes. Nous pouvons donc supposer que ces écrits répondent à des critères précis remplissant certaines fonctions discursives.

Nous nous proposons donc de dresser un panorama général des fonctions de communication observables dans les pratiques écrites atypiques des jeunes sur les trois moyens de communication cités supra, afin de comprendre, à travers une approche sociolinguistique, les fondements et les logiques atypiques de ces types d’écrits.

1. Fonction économique

Les écrits atypiques dans les moyens modernes de communication sont généralement connus pour leur aspect abréviatif. De nombreux procédés décrits par Anis (2003 et 2004) sont mis en œuvre afin d’économiser de l’espace et/ou du temps lors de la composition d’un message écrit. Originairement, les scripteurs ont abrégé leurs discours pour économiser :

a) l’espace graphique limité dans les SMS, et ne pas payer ainsi la valeur de deux messages,

b) du temps et ne pas faire attendre l’interscripteur, en particulier dans les chats.

Un style graphique particulier peut être observé, tel que le mélange lettres, chiffres, et autres signes graphiques, appelé rébus par Anis (2003) et Lorenz (2010), ou encore l’aspect phonétisant de certains graphèmes tels que l’utilisation massive du « k » pour transcrire le son [k], et des habitudes langagières ont été prises par les scripteurs produisant leurs écrits dans des situations d’échanges à la fois libres, sans contraintes, et informels. Examinons quelques exemples :

(1, SMS) Pa kan c pour autr choz k lécole.C pa grav. J tapél mercredi pour fixé 1 rdv

(2, SMS) Nn jpe pa G 1control 2fizik 2m1…é fo Kjtaf lé matiR scientifik 7ané! bn jte lS la jss en cour 2ps!bizooox jpens venir 2m1!alr tèt’ a 2m1!

(3, chat) _PLAQUETTE-DE-SEUM_ : lmec il es fiancé y drague tou cki bouge aller garde
la cheup
AlgerieneUnited : Reglage de compte ou koi
AlgerieneUnited : lol
Jean-Gabin-tonton : genre le mec il drague sur lnet alors ki lest fiancé ?
Jean-Gabin-tonton : mdrrrrrrrrrr
AlgerieneUnited : ah spa bien lol
Jean-Gabin-tonton : wahhh lpouilleux

(4, blog) Coucou!! alor moi c ERIKA (ririk ou kirri pr lé intimes mdr!!) g 15 an (é ui je c on diré pa). dc la t sur mon blog ou ya surtt d tof de mé ami é de nos délir!! dc dja jdi tt dsuite ke c pa la peine de metr de la merde ds lé com!! bref voila jvs léss yeuté trankil…. g kune choz a vs dir c laché vos COMZ!! lol

Dans ces exemples divers, de nombreux procédés d’abréviations et de compactages graphiques peuvent être relevés. Les plus saillants et les plus fréquents sont les suivants :

– chute de lettres muettes : pa (pas), fo (faut), tou (tout), mé ami (mes amis), etc.
– chute de « e » muets et de « e » diacritiques : autr (autre), grav (grave), jpens (je pense), lmec (le mec), lnet (le net), délir (délire), etc.
– squelettes consonantiques : nn (non), bn (bon), alr (alors), jss (je suis), ds (dans), vs (vous), etc.
– syllabogrammes (mélanges possibles de majuscules et de minuscules dans une même séquence graphique) : C (c’est), G (j’ai), matiR (matière), t (t’es, tu es), etc.
– logogrammes : 2fizik (de physique), 2m1 (demain), 1 (un)
– simplification des digrammes et des trigrammes par l’utilisation d’un graphème phonétisant et simplificateur : é (et), koi (quoi), scientifik (scientifique), trankil (tranquille), kune (qu’une), tof (photo), jpe (je peux), etc.
– agglutination de séquences syntaxiques plus ou moins complexes : kjtaf (que je taffe [travaille]), tapél (t’appelles), spa (c’est pas), ya (il y a), cki (ce qui), jpe (je peux), jpens (je pense), etc.

Précisons que les procédés relevés ne sont pas exhaustifs, mais notre objectif est de montrer de manière représentative les stratégies et les logiques abréviatives plutôt que de dresser une typologie complète des phénomènes présents dans les écrits atypiques. Nous constatons à travers l’analyse de ces exemples que les différents procédés de réductions peuvent être cumulés dans un même énoncé, ainsi que dans une même séquence graphique autonome, c’est-à-dire isolée entre deux blancs graphiques. Notons que dans le cas de l’agglutination, les procédés se cumulent le plus souvent. Remarquons par ailleurs que les tendances d’usage d’un moyen de communication à l’autre, ainsi que d’un scripteur à l’autre, présentent des différences, soit à cause des spécificités techniques et situationnelles sur le plan de la communication entre usagers, soit à cause des habitudes d’écriture variant d’un usager à l’autre.
 

Enfin, en ce qui concerne les deux premiers exemples qui sont des messages SMS, et donc des messages rédigés avec des contraintes d’espace graphique à respecter pour ne pas avoir de surcoût par l’opérateur de téléphonie mobile, nous pouvons nous demander quel est le gain d’espace graphique par rapport à une version standard des exemples. Pour ce faire, nous proposons les versions standard correspondantes en (1’) et (2’) :

(1’) Pas quand c’est pour autre chose que l’école. Ce n’est pas grave. Je t’appelle mercredi pour fixer un rendez-vous.

(2’) Non je ne peux pas j’ai un contrôle de physique demain… et il faut que je taffe les matières scientifiques cette année! Bon je te laisse, là je suis en cours d’EPS ! Bisous je pense venir demain ! Alors peut-être à demain !

Dans ces deux exemples fortement abrégés, nous pouvons noter un gain d’espace graphique de 43% en (1’) et de 40% environ en (2’). Le scripteur peut donc quasiment écrire la valeur d’un demi-message en plus en écrivant de façon atypique. Notons que le gain d’espace dépend également des termes utilisés dans la mesure où tous les termes ne peuvent être abrégés de la même manière.
 

En définitive, si la fonction économique est sans doute la plus remarquable des écrits atypiques au premier abord quelle que soit la logique graphique adoptée, d’autres caractéristiques graphiques peuvent être observées.

2. Fonction expressive

Différentes stratégies sont utilisées pour transmettre des émotions, transcrire des intonations, ou insister sur un élément. Pour les scripteurs, le but est d’exprimer plus que le sens premier du texte écrit par défaut, comme lors d’une conversation orale, via des procédés linguistiques mis en œuvre.
 

Différents phénomènes montrent l’expressivité des scripteurs dans le discours. Les smileys (ou émoticônes), tels que :-), :-(, XD, :p, etc., et les sigles, tels que mdr, lol, ptdr, xpdr, rofl, etc., transcrivent l’état d’esprit ou l’humeur des scripteurs ; ils peuvent aussi introduire une tonalité dans le discours, ou encore préciser et nuancer le propos.

(5, blog) aMiNe i Va Me CoMprEnDre MdRr

L’utilisation d’onomatopées introduit également des humeurs de façon symbolique, renforçant l’expressivité en discours.

(6, blog) et dc je voulé dir ke… ba rien en fét sniff c lémotion!!!!! looooooooool

Certains procédés graphiques sont mis en œuvre tels que l’utilisation de majuscules pour mettre un élément en relief (7), ou encore pour crier (8) dans les chats et dans les forums.

(7, SMS) Cc!Sava? c t pr sav0ir si VELIS ns avé d0né n0 attestation d stage!

(8, chat) AlgerieneUnited : WESH LES GENS SAVAH OU QUOii

Nous pouvons repérer des étirements graphiques pour insister sur un élément du discours ou pour transcrire la prononciation d’une séquence linguistique. Nous distinguons deux types d’étirements graphiques : le premier consiste à répéter une ou plusieurs lettres dans une séquence graphique, et le second consiste à répéter un signe de ponctuation. Voici un exemple illustrant les deux phénomènes :

(9, blog) LOLOLOLOLLLLLLLLLLLLLLL!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

Il est important de différencier les étirements graphiques des répétitions d’unités de signification, en particulier lorsque ces dernières sont agglutinées. Il y a étirement graphique lorsque la séquence reproduite est un signe graphique, alors qu’il y a répétition lorsque la séquence reproduite est supérieure à un signe graphique ou à une unité minimale de signification. Ainsi, la séquence gro reproduite dans l’exemple suivant est une répétition :

(10, blog) grogrogrogrogrogro bisous !

Les procédés d’expressivité se manifestent donc de diverses manières et présentent la spécificité de mettre au jour des particularités du discours oral ordinaire et populaire, pour reprendre la terminologie de Gadet (1989 et 1992), dans les productions écrites. En outre, les procédés d’expressivité ont tendance à être davantage utilisés dans les blogs et dans les chats que dans les SMS, notamment en ce qui concerne les étirements graphiques.

3. Fonctions ornementale et ludique

Les scripteurs des moyens modernes de communication jouent de différentes manières avec la graphie des mots. Le style graphique correspondant à l’ornementation est, pour certains scripteurs, aussi important que le sens véhiculé dans le message, en particulier dans les blogs. Les SMS présentent moins d’ornementation, et les chats n’en présentent presque pas, à part l’utilisation de quelques signes comme @ pour « a » ou $ pour « s ». Il s’agit de se démarquer des autres scripteurs par une originalité langagière tant au niveau de la représentation graphique qu’au niveau des jeux lexicaux tels que les jeux de mots ou l’utilisation de termes ayant une consonance autre que le français.

Certains scripteurs de blogs écrivent des discours ornementaux en oscillant entre majuscules et minuscules (11), en utilisant des caractères particuliers (12), ou encore en utilisant des signes graphiques différents des lettres tels que les chiffres, la ponctuation, ou autre, pour les remplacer de façon plus ou moins systématique (13 ; 14).

Dans ces derniers cas, nous pouvons remarquer que si l’intention de communication n’est pas de crypter le message, mais de lui donner un style graphique particulier, un effet cryptique est néanmoins créé. Notons que l’utilisation de signes particuliers est régulière, et que leur usage fonctionne comme une clef de cryptage où chaque signe en remplace un autre. Enfin, certains discours écrits présentent des étirements graphiques à fonction ornementale que nous pouvons discerner par la logique et la récurrence d’utilisation (15).

(11, blog) VoiLa Sa Ft Pa tRo LgT KoN sCoNNaI Ms Lui MM i C cKe jpeNSe De Lui

(12, blog) Ąlояѕ vоіlа … Jùlіεη, іl εѕт тяор gέиіаl сε gаяѕ, тяор gεитіl,
вg, маяяаит … ƒаѕніои ! мdя ! Jε яεgяεттε vяаімεит раѕ dε
тε соииаітяε, мεмε ѕі т’навітε ùи рεù lоіи ! lоl

(13, blog) $@m€d! $ùp€r b0n @pr€m d!r€ct!0n @nn€yr0n pr l€ m@tch 2 b@$k€t @c M@r!n€ (n°8), M0rg@n€ (n°10) €t @n@€ll€ (n°13)!!!

(14, blog) Tmtc Sk3 jp3ns3 d3 tOà & m3wcii d3tr3 là pOuw mOà..

(15, blog) Ba JtaiiMe CrO fOrT !! TmTc nOuS On AiiMe LeS nOuaR !! Ptdrr !! bOn Jte FaiiS
De GrO BiiyOu Pii Jte LaiiSe VEk tOn DèCaLè ChiinOiiS !! PtDrr !! TmtC !! Jtmm

Par ailleurs, l’aspect ludique peut se manifester à travers des jeux graphiques comme des expressions et des termes en décalage avec la norme et introduisant une tonalité familière et/ou humoristique :

(16, SMS) Viendé ma bande kiki M me suive
 

(17, SMS) Cé du bon fiston!

(18, blog) DSSooLéé PooOur ton MaRiiiii PooOur Ce Ptii CoCheMaRr Kil aVéé MoOourùùùùùùùuu !

Des termes comme zibiboux, biboux, zoubi, etc. ou noyeu nanni-ver-sair (SMS) jouant à partir de la contrepèterie noyeux joël introduisent également une dimension ludique dans le discours. Enfin, nous pouvons également relever l’aspect ludique dans des termes affixés de diverses manières comme zelle zon ztro zcool (elles sont trop cool), fork (fort), jtadork (je t’adore), bisoutation (bisou), boyeuh (boy), bésOwW (bisous).

4. Fonction cryptique

Comme nous l’avons constaté précédemment, certains procédés introduisent un effet cryptique, sans que le scripteur ne cherche à crypter son discours. En outre, les procédés en tous genres cryptent les discours atypiques pour les non-initiés à cause de l’importante concentration de ceux-ci dans un espace graphique restreint. Étant donné que les écrits atypiques sont envisagés comme étant des actes à faire partager avec une communauté plus ou moins large d’utilisateurs des moyens de communication, ou avec un récepteur particulier dans le cadre des moyens de communication privés, les intentions d’écriture ne sont en rien de crypter le discours. Le cryptage n’est donc pas fondamentalement envisagé comme pour l’argot sociologique (Goudaillier, 2001), malgré le savoir partagé des scripteurs tant sur le plan lexical que sur le plan graphique.

Une situation singulière d’écriture atypique produite par les jeunes a retenu notre attention en ce qui concerne la fonction cryptique envisagée plus ou moins comme telle. Il s’agit des productions écrites pendant les cours scolaires circulant d’un lieu à l’autre de la salle de classe, ou servant de support d’écriture pour une discussion écrite et discrète entre deux voisins de classe. En effet, dans ce cas précis, les jeunes utilisent beaucoup de procédés pour ne pas être compris de l’autorité adulte. Nous pourrions avancer dans ce cas que le cryptage du discours marque en quelque sorte une identité « jeune » par ses caractéristiques atypiques, en transgressant la norme qu’incarnent les générations adultes.

5. Proximité et identité

La proximité entre communicants peut se manifester à travers l’utilisation de procédés d’expressivité, de variantes vocaliques dans des séquences telles que jim (j’aime), bougous ou bigousse (bogosse, « beau gosse »), zoulie (jolie), etc., ou encore à travers la transcription d’une prononciation enfantine comme dans cro (trop), cré (très) dans la séquence jtbr cré cré for par exemple, ou ztm (je t’aime), pour introduire un effet hypocoristique visant à renforcer le côté affectif, ainsi que l’aspect mélioratif et familiarisant entre les scripteurs. De la même manière, les phénomènes d’oralisation et de transcription de séquences habituellement utilisées dans les parlers ordinaires, ou encore l’utilisation de lexiques argotiques, visent à instaurer une tonalité rapprochant les scripteurs par un degré de familiarité comparable à celui des conversations orales. La proximité est donc déterminée et accentuée par les différentes stratégies visant à rapprocher l’écrit de l’oral ordinaire ou populaire. Les tournures syntaxiques, mais surtout les lexiques, jouent donc un rôle fondamental pour cette fonction discursive. Notons que la fonction de proximité se manifeste à différents degrés en fonction de la connaissance des communicants dans le cas des échanges privés, et du lieu de communication présentant des groupes d’internautes partageant plus ou moins de références communes.

Si nous examinons l’aspect identitaire au niveau des communautés linguistiques restreintes de jeunes, nous nous rendons compte qu’il s’agit d’un aspect à la fois aléatoire et forgé par la perception de l’opinion commune sur les communicants. En marge des productions linguistiques strictes, les pseudonymes et le réseau de contacts jouent un rôle de socialisation et d’identification important dans la reconnaissance entre jeunes. Sur le plan des productions linguistiques, c’est le lexique utilisé qui remplit de la manière la plus saillante la fonction identitaire. Notons que dans le cas de chats tels que ceux des joueurs en réseau, le lexique et les sigles utilisés constituent un jargon d’initiés engendrant à eux seuls la reconnaissance identitaire entre joueurs. C’est sans doute le cas le plus marqué de groupe identitaire observable sur le réseau, les écrits atypiques connotés « langage SMS » ne présentant pas de façon aussi prononcée un langage d’initiés difficilement accessible. De surcroît, pour Dejond (2006, p. 47), le sentiment de maîtriser un jargon complexe donne l’impression d’appartenir à un groupe particulier.

L’identité peut se manifester linguistiquement entre pairs. Certains scripteurs présentent des caractéristiques graphiques communes qui leur sont propres. Ainsi, les exemples suivants sont écrits par deux scripteurs différents, mais les phénomènes graphiques sont très peu répandus dans les blogs.

(19, blog) J’M£ T4P£ D’SK£ P4RL£NT L£HY RÛM£UR SUR MÒÛ4
TÒÛ SKii M’IMPÒRT£ 4 N’ÒÛ4 B4 C£HY
K’MÒÛ4 J’SÒÛ4 FI£R D’MÒÛ4

(20, blog) DI£U CR£A L’HÒMM£ 4V4N L4 F£MM£ .. C£HY SKÒN DÌÌ !! MÒÛ4 CHÛÌÌ « ÒK » PÒÛR C£TT£ CÒNCLÛSÌÌÒN PSK 4PR£ TÒÛ ÌÌL F4Û TJS F4ÌÌR£ ÛN BRÒÛÌÌLLÒN 4V4N D£ CR££ER L’4RT

Ceci étant, pouvons-nous considérer de manière générale que les écrits atypiques dans les moyens modernes de communication bâtissent une identité à travers les multiples procédés graphiques ? Si nous pouvons considérer que les écrits atypiques connotés langage SMS, langage kikoo-lol, ou langage chat, sont reconnaissables par des traits graphiques caractéristiques tels que les smileys, les sigles, les abréviations, etc., il est difficile d’affirmer rigoureusement qu’ils construisent l’identité d’un groupe linguistique particulier. Parfois, ces écrits sont mêmes confondus avec le langage écrit des jeunes car ces derniers sont les usagers majoritaires de ces écrits. En effet, les différents procédés graphiques, y compris l’ornementation, sont utilisés par tous les types de jeunes quel que soit leur langage au sein de leur groupe d’amis, leurs références culturelles, ou leur appartenance sociale. Autrement dit, les différents groupes communautaires écrivent de la même manière, et seuls les traits lexicaux, voire morphosyntaxiques, peuvent éventuellement marquer une identité à travers le langage. Par conséquent, si certaines caractéristiques graphiques enlèvent le doute par rapport à l’âge des scripteurs, elles ne sont pas suffisantes pour déterminer le groupe communautaire de jeunes auquel nous sommes confronté.
 

De manière générale, l’identité des scripteurs atypiques des moyens modernes de communication peut donc être considérée dans une large fourchette de pratiquants comme forgée par les différents phénomènes linguistiques qui leur sont propres décrits supra (abréviations, expressivité, ornementation). Les écrits atypiques sont effectivement reconnus de tous par certains traits saillants comme étant un langage particulier pratiqué dans un contexte et une situation spécifiques.

Conclusion

Les fonctions discursives des écrits atypiques produits par les jeunes sur les supports modernes de communication jouent un rôle primordial pour la construction de ceux-ci, la création de procédés permettant d’exprimer des émotions plus difficiles à transmettre à l’écrit derrière un ordinateur, qu’à l’oral lors d’une discussion, ainsi que d’instaurer une tonalité spécifique dans un discours donné.

Les jeunes veulent écrire vite, vrai, et de manière originale. L’objectif premier est d’influer sur le sens du discours en mettant en œuvre diverses stratégies de représentations linguistiques.

Enfin, si les écrits atypiques présentent des caractéristiques orales, nous avons pu remarquer que la dimension de l’écrit est conservée par les jeunes à travers les différents phénomènes graphiques relevés et analysés. Il s’agit donc d’écrits pratiqués dans des circonstances et des situations particulières, le plus souvent libres, relâchés, et sans contraintes, laissant libre court à l’imagination, l’originalité, le jeu et l’expressivité.

Références bibliographiques

Anis J., 2003,  Communication électronique scripturale et formes langagières : chat et SMS , Actes des Quatrièmes Rencontres Réseaux Humains / Réseaux Technologiques (31 mai et 1er juin 2002), Université de Poitiers.

Anis J., 2004,  Les abréviations dans la communication électronique (en français et en anglais) , Écritures abrégées (notes, notules, messages, codes…) : L’abréviation entre pratiques spontanées, codifications, modernité et histoire, sous la direction de N. Andrieux-Reix, S. Branca-Rosoff, et C. Puech, Paris/Gap, Ophrys, pp. 97-112.

Dejond A., 2006Cyberlangage, Bruxelles, Racine.

Gadet F., 1989, Le français ordinaire, 1e édition, Paris, Armand Colin.

Gadet F., 1992, Le français populaire, Paris, P.U.F. collection « Que sais-je ? ».

Gadet F., 2007La variation sociale en français, 2e édition, Paris/Gap, Ophrys.

Goudaillier J.-P., 2001Comment tu tchatches ! Dictionnaire du français contemporain des cités, 3e édition, Paris, Maisonneuve et Larose.

Lorenz P., 2010, à paraître, Exemples de l’identité langagière des cybernautes : rébus et jeux graphiques dans le chat, Brno.

Michot N., 2008,  Les représentations graphiques du lexique dans les pratiques atypiques écrites des jeunes, 1e Congrès Mondial de Linguistique Française : Actes du Congrès, Durand J., Habert B., Laks B. (dir.), Paris, La Cité Internationale Universitaire, 1163-1177.

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